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À propos du Choix des armes d'Alain Corneau : jeune rage et sagesse de l'âge font-ils bon ménage ?

Aujourd'hui, Le Canard sauvage revient sur un film qu'il avait vaillamment défendu à l'époque... contre pas grand monde d'ailleurs. Succès d'estime pour un polar réussi, il apparaît désormais que Le Choix des armes est un film charnière qui, pour fermer un chapitre mythique du polar français et ouvrir une page plus désabusée et réaliste, prend le parti de l'hybridation. 

Le titre du film l’annonce, le visionnage ne déçoit pas. Le Choix des armes est un film sombre, froid et dur comme ces banlieues H.L.M. dans lesquelles Depardieu et Anconina promènent leurs existences de loubards.

De Police Python 357 et La Menace, Alain Corneau reprend Yves Montand ainsi qu’un tableau pas tout à fait à l’avantage de la police, et après Patrick Dewaere dans Série noire, voici qu’il accueille son éternel compère Depardieu, magistral. Dans la couleur terne, le jeu froid des acteurs, cette sorte d’hyperréalisme tout à fait mythique, Corneau s’inspire à n’en pas douter de Jean-Pierre Melville, Le Deuxième souffle et Le Cercle rouge (où l’on retrouvait Montand, une décennie plus tôt) en particulier.

Gérard Depardieu, Yves Montand. Mickey, Noël Durieux. C’est une rencontre deux mondes, avant tout, qui se joue ici.

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Noël Durieux (Yves Montand), c’est le truand melvillien, classieux, avec son code d’honneur et son style aristocratique. Retiré des affaires, le voilà désormais éleveur de chevaux en compagnie de Catherine Deneuve, dans une demeure splendide. Notre élégant couple a des allures de hobereaux (sans péjoration), ils incarnent une perfection tranquille, paisible, ils ont tout ce dont ils ont besoin, sont dégagés des problèmes, et peuvent enfin se consacrer à la contemplation de leurs chevaux. Yves Montand inspire immédiatement l’estime par cette noblesse qu’il dégage… et Catherine Deneuve est tout à fait impériale d’assurance, de beauté, de maintien, nous y reviendrons.

Mickey (Depardieu) est un type complètement à cran, sorte de chien fou paumé qui, au début du film, tue deux policiers en s’évadant de prison pour trouver refuge, donc, chez Deneuve et Montand avec son camarade blessé. Tout explose, dans ce personnage : entendez cette voix un peu efféminée, mal assurée mais prête à éructer, voyez ce corps de géant drôlement proportionné, cette puissance folle et violente mêlée, parfois, de tendresse malhabile (envers une fillette dont il ne convient pas de trop en dire). Bref, c’est un immense Depardieu, aussi touchant que terrifiant.

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Il faut enfin reconnaître (ce qui, dans les polars français de l’époque est assez courant, mais qui est tout de même remarquable ici) que les seconds rôles sont tous admirables : Galabru en commissaire bourru, Gérard Lanvin en jeune recrue, Richard Anconina en copain sympathique.

Il semble que la richesse du film réside dans cette hybridation entre un style à l’ancienne, pur univers de cinéma où préside la maîtrise, le professionnalisme (obsession du professionnalisme qu’on retrouve dans le cinéma américain – mais très melvillien – de Michael Mann) et, disons-le, la classe (toute française en l'occurrence), et l’arrivée en tonitruement de la nouvelle génération colérique, à fleur de peau, un peu bête aussi, attachante en tous cas. Et cet affrontement fait de Deneuve le cœur battant du film : elle est plus altière encore que Montand mais, puisqu’elle ne vit pas dans la peur de retomber dans la rudesse du choix des armes, elle peut porter sur Depardieu un regard plus sûr et profond ; elle est telle un animal à l’affût, intrigué et soupçonneux devant un étrange congénère. De cette rencontre, donc, il ressort une violence double, de sang chaud et froid (en particulier dans une scène nocturne qui rappelle fortement le dénouement du Cercle rouge), et aussi – et surtout – une amère mélancolie, délicatement soutenue par le contrebassiste de Philippe Sarde (Ron Carter pour les intimes) accompagnant le regard de Catherine Deneuve observant ses nobles bêtes, puis les enfantillages de Gérard Depardieu avec les chevaux, et enfin la fascination du même Depardieu, accompagné d’une petite fille, devant l’étendue de la mer.

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