Le Canard fait le point sur les polémiques entourant le célèbre professeur, et cloue le bec aux propagateurs de rumeurs.
Depuis de nombreuses années, et à l’occasions de simples allégations qui n’ont jamais reçu finalement l’once d’une justification, le sérieux irréprochable des travaux du Pr. Mortimer sont remis en cause par des journalistes sans scrupules avides de sensationnalisme. Ainsi, alors même que les travaux du professeur ont fait l’objet, il y a de cela trois ans, d’une exposition Musée des Arts et Métiers de Paris (témoignant de cette reconnaissance qui dépasse de très loin les ilots britanniques, qui s’affirme surtout, je ne saurais dire pourquoi, en France et en Belgique), voici qu’à l’occasion d’une conférence de Benoît Mouchart à propos des aventures de MM. Blake et Mortimer, donnée au Collège de France et que j’engage malgré tout à écouter, on a osé utiliser le mot de « pseudo-science » à l’encontre des travaux du controversé M. Septimus et de ceux de feu M. Mortimer.
Schéma simplifié de l'utilisation de l'onde Méga par le Pr. Septimus dans son terrifiant télécéphaloscope
Bref, d’une dubitation assez compréhensible, quoiqu’erronée, envers le terrible Septimus, dubitation envers la théorie de l'onde méga (voir ci-dessus) qui n'est pas nouvelle et qui avait à l'époque alimenté le ressentiment de ce machiavélique physicien, voici que notre conférencier remet en doute l’ensemble des éléments scientifiques qui ont émaillé la vie du professeur Mortimer. La facilité avec laquelle un historien pourtant sympathique relaie de si grossières théories se fonde sur un fait préoccupant : le relativisme est dans l'air du temps. N'incriminons pas le conférencier, mais tout un monde de mortimérologues qui laissent courir de si scandaleuses hypothèses !
Le plus étonnant, (le plus choquant,) c’est l’aplomb avec lequel ceux qui manient de telles théories, à partir d’une coïncidence anecdotique, en viennent à nier une vie dédiée à la science et aux progrès que celle-ci pourrait procurer. Les troubles climatiques, tels qu'on a pu les imputer grâce à l'affaire « SOS Météores » au réseau Cirrus qui perturbait l'équilibre des cycles météorologique se voient relayer à l'arrière-plan, au profit des théories (certes, intéressantes) des gaz à effets de serre, autrement plus fragiles. Plus fantasmatique : machine à remonter dans le temps (ainsi qu'on l'appela vulgairement : en fait le chronoscaphe) utilisée à l’occasion du « piège diabolique » rappelle singulièrement celle que M. H. G. Wells a décrit dans un fameux roman – c’est bien qu’elle n’est qu’un élément de fiction ! Quant à l'histoire des Atlantes, leur départ de notre planète a très définitivement généralisé l'idée que (malgré Platon, malgré Blake & Mortimer), leur existence est une sorte de fable. Mais enfin, à la suite de ces pures suppositions, et par effet domino, voici enfin que l’existence de l’espadon, l’instrument de la victoire du monde libre contre l’Empire Jaune, le joyau qui mit fin à la Troisième Guerre Mondiale et qui fit la célébrité du Pr. Mortimer, est mise en doute ! Nous considérons au contraire que c'est l'engagement héroïque de Mortimer au cœur du conflit qui garantit la rectitude morale du protagonistes de toutes ces aventures, Philip Mortimer lui-même : et si Mortimer est honnête, ce que tout le bon sens confirme, alors la véracité de ces histoires est garantie.
Il ne s’agit pas là de débat analogues à ceux qui touchent à la paternité de la théorie de la relativité générale, partagée entre MM Einstein et Poincaré. Il s’agit du geste, violent et inconscient, de rejet pur et simple d’une réalité pourtant indéniable.
Photographie de l'Espadon en 1947
Que de telles balivernes continuent de circuler au sujet des faits les plus objectifs de la réalité historique laisse songeur… L’historiographie à propos de M. Mortimer a pourtant été franchement enrichie ces derniers temps, grâce entre autres à la biographie que M. Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères français, a consacré à son adversaire de toujours, le colonel Olrik.
Si l’on veut trouver un élément de comparaison pour jauger de la bassesse de telles billevesées, il faudrait, à titre d’exemple, aller voir du côté de la question de l’homme sur la lune. Car après tout, il y a encore des gens pour s’affirmer « sceptiques » quant à l’alunissage franco-belge réalisé par le professeur Tournesol (avec l’aide remarquable du célèbre reporter Tintin) en 1954. L’exploit n’avait pas manqué à l’époque de déclencher immédiatement la jalousie des Américains, qui eurent aimé réaliser l’exploit les premiers, et qui ripostèrent assez vite avec leur moins flamboyante « Mission Apollo 11 » en 1966, et aussi la jalousie des soviétiques dont la réaction, plus spirituelle, fut orchestrée par leur agent P-Yo à travers le tract Le Cosmoschtroumpf. Depuis que ces attaques inconséquentes ont révélé leur vanité, certains arriérés continuent d’affirmer que l’homme ni des hommes ni un chien ne sont jamais allés sur la lune.
Ce qui me semble le plus préoccupant, dans toute cette affaire, tient dans l’opportunité politique que peut constituer le discrédit porté sur M. Mortimer. C’est par antibelgisme primaire, à l’évidence, que la mission Tournesol est rejetée dans le domaine de la fantaisie ; faire de Mortimer un Lyssenko british, c’est attaquer Philip Mortimer, c’est attaquer au passage Francis Blake, évidemment, qui serait le complice bonimenteur de toute cette renommée (les médias avaient déjà essayé de salir ce dernier à l’occasion de la très complexe « affaire Francis Blake »). C’est surtout attaquer le monde libre et ses valeurs : celles de la technique au service de la patrie et de la liberté de part le monde.
Voici qu’on fait de Mortimer un opportuniste, obsédé par son accession au très prisé Centaur Club, qui symboliserait aux yeux de ses détracteurs le symbole d’une Angleterre snob et engoncée. Un tel club représente au contraire, dans l’esprit de personnes telles que Blake et Mortimer, le moyen de rester ancré dans un monde oscillant, sans cesse menacé par le chaos et la cupidité.
Dans d’autres très scandaleuses publications, c’est le parti de la caricature qui a été utilisé ! Ainsi, alors que les chroniqueurs Pierre Veys et Nicolas Barral avaient déjà cherché à ridiculiser l’illustre Sherlock Holmes (une tentative qui n’atteignit pas son but, à l’évidence), ils ont désormais porté leur plume contre Mortimer ainsi que – c’est systématique – Francis Blake, à travers les grossières publications Philip et Francis, qui choquent, je l’espère, quiconque attaché à la réalité historique, malgré un talent qu’on doit leur reconnaître.
Voyez-vous le parallèle ? P-yo était très certainement (c’est presque prouvé) un agent soviétique. Veys et Barral, entre autres idéologues, relaient le rire, la satire et le doute à l’égard des travaux, dont le sérieux ne paraissait pas à démontrer, de Mortimer. Une façon, dans un monde fort polarisé, de diminuer l’importance de l’Europe dans les grands événements du XXe siècle (la Troisième Guerre Mondiale en particulier) au moment même ou celle-ci se trouve menacée d’emprise militaire par la Russie, d’emprise économique par la Chine, et d’emprise politique par les Etats-Unis.
Chers lecteurs du Canard sauvage, battez des ailes et résistez. Lisez Blake & Mortimer, la véritable histoire.
Edgar-Jacob Parpaillon
Commentaires
Quel article intéressant ! Enfin un article sérieux scientifiquement, courageux intellectuellement et honnête humainement, rendant hommage à l'honorable Pr. Mortimer.
Je me permets une critique, une fois n'est pas coutume. Vous citez rapidement son confrère, le Pr. Tournesol, c'est fort louable. Cependant, au risque d'apparaître, au fil de mes réactions à vos articles, pour ce que je suis - un tintinomaniaque, voire tintinopathe -, je note que vous en parlez fort peu. Lors même que Mortimer s'est sans aucun doute inspiré de son homologue belge, il suffit d'ailleurs de démonter le moteur d'un Espadon (et observer son esthétique) pour y retrouver des éléments tirés du sous-marin tournesolien du « Trésor de Rackham le Rouge ». Bref, à quand un article du « Canard sauvage » pour faire justice à ce génie incompris, et pourtant reconnu depuis la Syldavie jusqu'au San Theodoros en passant par la Lune ?
Véritable Tryphon subjuguant ce qui l'entoure, le Tournesol est fait pour la lumière, donnons-la lui !